Nos volontaires témoignent ! Entretien avec Morgane Roquier

Publié le 27/10/2025


« Il est trop tard pour être pessimiste. Il faut rester optimiste en étant engagé dans des combats écologique et sociaux puisque le pessimisme, en quelque sorte, est une perte de temps et d'énergie. »

— Morgane Roquier, volontaire

Morgane ROQUIER, 28 ans est volontaire de solidarité internationale au Congo. Arrivée mi-janvier, cela fait 9 mois qu’elle est à Kinkala, dans le Pool. Sa mission consiste à collaborer avec l’équipe de Congo sur le projet OSCAgriPool II, un projet de développement agropastoral et d’appuis à la formation des jeunes dans les domaines de la production agricole.

Quel a été ton parcours avant ton départ au Congo ?

Morgane : J'ai grandi et suivi toute ma scolarité en Normandie, dans la Manche. Après une licence en biologie, j'ai intégré l'école d'agronomie de Rennes (Institut Agro) où je me suis spécialisée en agroécologie. Lors de ce passage en école d'agronomie, j'ai pu faire un Erasmus à Gent, en Belgique, et une année de césure durant laquelle je suis partie faire un service civique pendant 8 mois dans une ferme agroécologique au Togo. Cette première expérience sur le continent africain m'a donné envie d'en connaître davantage sur l'agriculture en milieu tropical. J'ai donc effectué mon stage de fin d'étude en Côte d'Ivoire dans une plantation d'hévéas. Ce stage à confirmé mon attirance pour l'agronomie tropicale et m'a conduit à chercher un VSI dans ce sens.

D’un point de vue associatif, j’ai intégré le club solidaire au collège, nous étions en contact avec des jeunes filles du Burkina Faso. Le club solidaire était également en lien avec Action Contre la Faim, et nous avions la charge d’organiser les courses contre la faim du collège. J’ai ensuite rejoint “Ingénieurs sans frontière” avec lesquels nous avons pu assister à différentes formations et participer à différents projets, tant au Nord, qu’au Sud. J’ai également fait partie de nombreuses associations sportives et pu participer à l’organisation d’événements culturels et musicaux de l’école et d’ailleurs.

Professionnellement, j’ai travaillé sur un projet Européen de l’étude des sols à l’INRAE de Rennes. J’ai aimé l’expérience mais je souhaitais mettre en application l’agroécologie, c’est pour cette raison que j’ai choisi un VSI. Les valeurs que portent l'agroécologie sont généralement partagées dans les associations et le volontariat international. Les deux impliquent un fort engagement pour des causes qui dépassent le simple individu et s'adressent aux communautés, aux sociétés et à l'environnement.

Quelles sont les thématiques abordées lors de ton VSI ?

Ephrem expliquant à différents stagiaires le fonctionnement de ces étangs. Il nourrit ses poissons avec de larves de mouche soldat noire.

J’aborde principalement des thématiques en lien avec le changement climatique et la préservation de l’environnement à travers l’agriculture. Cela peut concerner des pratiques de production innovantes avec des composantes de préservation, la mise en avant des systèmes intégrés impliquant des pratiques agroécologiques, ou encore des concepts plus généraux, transmis de manière pédagogique. Les domaines appuyés par le projet sont très variés, et de nombreux jeunes peuvent être formés sur les filières bovines, avicoles, sur les petits ruminants, l’entomoculture, le maraichage, l’arboriculture,…

Roglan et son élevage de larves palmistes qu’il a nommé “Ntsombeculture” en référence au tèrme locale pour nommer ces larves : « ntsombé ».
Yves, maraîcher, éleveur avicole et
arboriculteur et sa belle production de litchis.

Dans le cadre de l’éducation à la citoyenneté et la solidarité international ( ECSI ), nous avons aussi l’occasion d’intervenir dans des structures scolaires ou avec des groupes composés de personnalités variées, toujours sur des questions de changement climatique et d’environnement.

Fresque du climat réalisée au Lycée 5 février de Kinkala avec les élèves de terminale A.
Fresque du climat réalisée dans le centre de formation agroécologique EDDEN avec les apprenants et le personnel administratif.

Je travaille généralement avec Davy MPEMBA, et le suis sur ses activités dans le sud du Pool. Nous avons l’occasion de travailler directement avec les producteurs locaux, les maîtres de stage, les stagiaires et les différents porteurs de projets de cette région. Nous sommes également en étroite collaboration avec les chefs de Secteurs Agricoles (CSA), acteurs locaux présents dans chaque district du département, et dont les connaissances et les compétences dans nos domaines d’activités nous sont très précieuses.

Animation avec Davy lors de l’accueil des stagiaires de la 3ème promotion (promotion BOUBOUTOU).
Passage du pont lors de notre visite chez Mr Martin, un maraîcher de Boko, au sud du Pool.

Quels sont les principaux projets ?

De nombreux projets sont en cours, à titre d’exemple : le projet porté par Afrique Action, qui travaille avec 10 villages des peuples autochtones dans le district de Kimba sur des thématiques liées à l'utilisation raisonnées des forets et de ses ressources. Ils accompagnent des groupements de producteurs autochtones dans la construction de poulaillers ou la mise en place de zones maraichères visant à assurer leur autonomie sur la production de certaines denrées comme le manioc. Ainsi, les populations du district seront moins dépendantes des importations dans cette zone grâce à la commercialisation sur les marchés locaux. Ceci a également pour objectif de proposer une alternative à la chasse et aux pressions qu'elle implique sur les ressources forestières.

Zone de maraichage développée par les autochtones d’un des 10 villages soutenus par Afrique Action dans le district de Kimba.
Soirée autour d'un feu de camps dans un village autochtone, avec danse, musique et chants traditionnels.

4. Peux-tu nous décrire tes principales missions au sein de ton VSI ?

Mes missions s'articulent autour de 4 grands axes. Dans le premier, « Accompagner les OSC qui travaillent avec les peuples autochtones », je suis en relation avec Afrique Action, les représentants des villages, des associations ou des personnalités qui travaillent sur les questions de droits des peuples autochtone du district de Kimba afin de rédiger un plaidoyer sur l'impact des autochtones sur la préservation des forêts et leur autonomisation. J'ai eu la chance de me rendre sur place en mai pour interagir directement avec ces différentes personnalités.

Accueil dans l’un des 10 villages autochtones par toute la population

Le deuxième axe concerne les activités liées à l'éducation à la citoyenneté et la solidarité internationale (ECSI). Dans ce cadre, avec différents collègues et collaborateurs, nous avons développé plusieurs activités de sensibilisation à l'environnement, au changement climatique et plus précisément aux rôles des insectes. Ce dernier thème est rendu ludique par la présentation de bacs de culture de larves palmistes et de larves de mouche soldat noire destinées à l'alimentation humaine pour les premiers et à l'alimentation animale pour les seconds.  Nous avons pu mettre entre place ces activités dans différents lieux et face à différents publics, tels que des écoles ou des forums réunissant plusieurs OSC du Congo. Dans cette thématique, nous sommes également en lien avec l'AFDI pour préparer des activités en commun avec des jeunes d'établissement scolaires Alsaciens.

Notre stand à la foire alimentaire organisée par l’association ESSOR
Notre stand au forum de la société civile organisé par Acted

J'ai également la charge de concevoir des modules en lien avec différents thèmes de l'agroécologie (agroforesterie, santé des sol, gestion agroécologique du maraîchage, semences paysannes/race locale, services écosystémiques,…) qui pourront être utilisés lors de formations ou sous forme de brochures informatives par exemple. Nous travaillons également à la mise à jour et la conception de fiches technico-économiques sur des thématiques dont les informations ont pu évoluer ou sont relativement nouvelles, comme la production de mouche soldat noire par exemple.

Enfin, le dernier axe consiste à renforcer les compétences de agriculteurs et à améliorer les pratiques plus respectueuses de l'environnement. Ici, il s'agit surtout de concevoir des outils d'aide au suivit des systèmes agricoles imaginés par les producteurs locaux, et de pouvoir suivre avec eux les variations saisonnières des productions, des dépenses et des éventuelles difficultés qu'ils rencontrent sur le terrain. En ce qui concerne l'évolution des pratiques plus respectueuses de l'environnement, nous avons développé un outil sur mWater qui nous permet de faire l'état des lieux d'un échantillon de producteurs du sud du Pool sur leur degrés d'agro écologisation. Cet outil permettra par la suite de comprendre les principaux freins à certaines transitions, mais également de suivre l'évolution des panelistes sur leurs pratiques et leur intérêt pour l'agroécologie. Un recensement agricole est également en cours dans le but d'avoir une base de données des exploitants du Pool.

Suivi des stagiaires sur la ferme Pachenza, élevage bovin et piscicole.

Enfin, dans le but de valoriser les pratiques innovantes proposées par les porteurs de projets soutenus par GESCOD, avec mes collègues, nous travaillons régulièrement avec l’association Kabu, spécialisé dans les outils du numérique et de la communication, sur la conception de capsules vidéos qui présentent ces différents projets.

Tournage d’un reportage chez Roglan sur l’élevage des larves palmiste comme alternative à l’abatage des palmiers
Sur ce même tournage, nous avons filmé des récolteurs de vin de palme et les méthodes d'extraction du vin (Nsamba).

5. Parmi toutes tes missions, lesquelles te passionnent le plus et pourquoi ?

J'aime particulièrement les missions de sensibilisation où nous pouvons partager avec différents publics des informations sur l'agroécologies et sur l'importance de cette pratique face aux différents enjeux actuels comme la crise climatique. J'aime beaucoup concevoir et réutiliser des outils pédagogiques ludiques (comme les différentes fresques, ou les jeux développés avec l'équipe et les collaborateurs) qui permettent d'éveiller la curiosité, d'apprendre et de mobiliser sur ces questions.

Sensibilisation sur le rôle écologique des insectes suivit de la fresque du climat avec les élèves du collège de Kinkala.

6. Au-delà de tes tâches quotidiennes, qu'espères-tu retirer de cette expérience ?
Que ce soit sur le plan humain, professionnel ou personnel ?

Une expérience à l’étranger apporte systématiquement beaucoup sur le plan humain et personnel. Au-delà du travail quotidien, j’apprends beaucoup en dehors, sur d’autres manières de vivre et de faire société. Je vais retirer de cette expérience beaucoup de connaissances sur les cultures tropicales, l’élevage et certaines techniques spécifiques à la région. Par ailleurs, je garderai également, des liens humains, que ce soit au travers de rencontre dans le cadre du projet, mais également les rencontres faites sur mon temps libre. J’espère m’entretenir de très belles amitiés et repartir avec de nombreuses références culturelles, gustatives et anecdotes en tout genre.

Bleck, mon premier ami à Kinkala, le chien d’une famille qui vit près de chez moi. Nous étions partis tous les deux pour une balade dans la ville et ses alentours.

7. Après quelques mois passés au Congo, comment vis-tu ton installation et ton adaptation ?

L'installation s'est bien passée, j'ai vécu les 5 premiers mois au couvent, avec les sœurs, et j'ai beaucoup aimé apprendre de leur vie et leur rythme. J'ai choisi de déménager pour pouvoir vivre avec une amie congolaise, toujours dans le même quartier. Nous sommes encore en pleine installation mais tout promet de bien se passer. Sur le reste, en termes de nourriture par exemple, à Kinkala, on trouve beaucoup d'aliments locaux, ce qui me convient bien.

Petit jardin devant la chapelle du couvent, chez les sœurs.

J'ai été surprise de la taille de la ville. Je me l'imaginais beaucoup plus dense. En réalité, Kinkala, bien que ce soit la préfecture du Pool, est une ville assez petite. Elle compte environ 25 000 habitants mais est très étalée et aérée. Tout le monde a donc la place pour avoir un petit jardin et cultiver quelques pieds de maniocs et d'oseilles dans sa parcelle. J'aime le calme de Kinkala, je suis contente de ne pas être à Brazzaville pour cette raison.

Le défi assez classique est de n'être transparente nul-part. Ce sont des interpellations et des regards pesants en permanence. Pour l'avoir déjà vécu au Togo et en Côte d'Ivoire, je m'y attendais et je m'y suis rapidement habituée, mais cela reste, en fonction de l'humeur du jour, parfois assez désagréable.  

As-tu une anecdote drôle ou touchante à raconter depuis ton arrivée ?

J'étais tranquillement avec Rosine, mon amie de Kinkala, installée au Divin, un bar où elle travaillait. Ce bar est situé juste à côté du « musé », un des lieux culturels de la ville où il y a régulièrement des concerts et des évènements en tout genre. Il y a également un studio d'enregistrement où des artistes locaux peuvent venir enregistrer leurs musiques. Et ce jour-là justement, Bémi, une des personnes avec qui je pars régulièrement sur le terrain pour faire des reportages sur les porteurs de projet, était en train d'enregistrer son nouveau tube. On le voit et on va discuter 5 minutes pour le saluer et il nous invite à venir voir comment se passe un enregistrement, si on était intéressées. Par curiosité, on rentre dans le studio et on s'installe dans un coin discrètement. L'enregistrement était presque terminé mais il faut savoir que dans les chansons Congolaises, il y a une toute partie du morceau qui est destinée à faire des dédicaces à rallonge à tous les gens qui ont participé de près ou de loin à la réalisation de la musique en question. Et c'est donc comme ça que l'on peut maintenant entendre « Morgaaaaaane, une lumièèèèèère… » dans une chanson qui passe régulièrement sur la radio locale de Kinkala… (Bien-sûr, Rosine aussi a eu le droit à sa petite dédicace !)

8. As-tu un mot de la fin à partager ?

Les chenilles, c'est super bon !

Gescod

est le réseau régional des acteurs du Grand Est qui souhaitent s'inscrire dans une politique concertée de coopération et de solidarité internationales. Véritable relais entre l'État, les collectivités territoriales, les structures de la société civile – associations, entreprises, institutions diverses-, Gescod est une plate-forme d'acteurs dont le but est de renforcer et d'amplifier l'ouverture internationale du territoire régional dans lequel elle s'inscrit.

Informations pratiques

Bureaux

Gescod
Espace Nord-Sud
17 rue de Boston
67000 Strasbourg
+33 3 88 45 59 89
gescod@gescod.org

Antenne de Châlons-en-Champagne
30 Chaussée du Port
51000 Châlons-en-Champagne
+33 3 26 21 48 66
chalons-en-champagne@gescod.org

Antenne de Nancy
48 esplanade Jacques-Baudot
54035 Nancy Cedex
+33 3 83 94 58 63
nancy@gescod.org

Union Européenne
Ministère de l'Europe et des Affaires Étrangères
Agence Française de Développement
Région Grand Est
Ville Eurométropole Strasbourg
Service Civique
FONJEP
CIRRMA
Agence de l'Eau Rhin-Meuse
Agence de l'Eau Rhône Méditerranée Corse
Agence Eau Sein Normandie